Solaranlage Nepal | © Simon B. Opladen

Financement innovant des fonds internationaux pour le climat

Un rapport commandé par le Conseil fédéral met en lumière des solutions potentielles.
PAR: Patrik Berlinger - 22 février 2024
© Simon B. Opladen

Dans un récent rapport, l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) montre comment la Suisse peut augmenter son financement international du climat pour les pays pauvres. La balle est maintenant dans le camp du Conseil fédéral et du Parlement pour qu'ils examinent rapidement les instruments nécessaires – et qu'ils prennent des mesures concrètes.

L'accord de Paris sur le climat de 2015 est juridiquement contraignant. L'objectif est de limiter le réchauffement moyen de la planète bien en dessous de 2 degrés par rapport au niveau préindustriel et de viser une augmentation maximale de 1,5 degré. Les petits États insulaires et les pays les plus touchés par le changement climatique avertissent que même en dessous de la limite de 2 degrés, les conséquences sont insupportables pour eux. En 2018, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) de l'ONU a publié un rapport spécial soulignant l'importance de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré afin d'éviter le risque de changements irréversibles du climat et de graves conséquences pour la planète et ses habitantes et habitants. En 2024, la Terre sera déjà dangereusement proche du seuil de 1,5 degré. 

Les pays donateurs soutiennent les pays pauvres dans leur intérêt  

Dans l'intention de maintenir l'objectif de 1,5 degré, les gouvernements ont décidé, lors de la conférence sur le climat de Dubaï (COP28), de sortir des énergies fossiles d'ici à 2050. Pour que cet objectif puisse être atteint à l'échelle mondiale, les pays pauvres et financièrement faibles doivent être soutenus. Dès 2009, les pays riches se sont donc engagés à consacrer, à partir de 2020, 100 milliards de dollars US par an, provenant de sources publiques et privées, à la protection du climat et aux énergies renouvelables, ainsi qu'à des mesures d'adaptation vitales dans les pays en développement. Lors de la conférence sur le climat qui se tiendra en Azerbaïdjan fin 2024, un nouvel objectif de financement plus élevé sera négocié à partir de 2025. En tant que pays riche, la Suisse a elle aussi le devoir d'élargir son engagement international en faveur du climat et de se rendre à Bakou en novembre avec des promesses fermes dans ses bagages. 

Jusqu'à présent, la promesse de 100 milliards faite par les pays industrialisés n'a pas été tenue une seule année. De plus, les moyens ne sont pas fournis de façon additionnelle comme prévu, mais prélevés en grande partie sur les budgets de la coopération au développement des pays donateurs. C'est aussi ce que fait la Suisse. Cette pratique, qui dure depuis des années, mine la confiance des pays en développement, qui souffrent particulièrement du réchauffement, dans les efforts sérieux et respectueux du climat des pays riches. Mais maintenant, même du point de vue du Conseil fédéral, la limite semble être atteinte. Ainsi, en août 2023, il écrivait en réponse à une interpellation: «Les possibilités d'augmenter les activités climatiques dans le cadre des crédits de la coopération internationale, sans que cela se fasse au détriment d'autres thèmes de développement, sont épuisées». 

Un nouveau rapport commandé par l'OFEV présente des pistes intéressantes 

Face au manque croissant de financement, le Conseil fédéral a chargé le Département de l'environnement DETEC d'établir un état des lieux des nouvelles sources et des nouveaux instruments de financement international du climat. Depuis le 23 novembre 2023, un nouveau rapport, élaboré sur mandat de l'OFEV, est disponible. Il propose des pistes pour que la Suisse participe davantage au financement climatique. L'étude propose par exemple d'utiliser les recettes de la vente aux enchères de certificats dans le cadre du système suisse d'échange de quotas d'émission, ou d'augmenter les impôts existants comme l'impôt sur les huiles minérales, celui sur les automobiles ou celui sur les autoroutes. 

Il faudrait également envisager de nouveaux impôts, par exemple une taxe sur les bénéfices ou le chiffre d'affaires du négoce de pétrole, de gaz et de charbon: les multinationales des matières premières comme Glencore, Trafigura et Vitol, dont le modèle commercial se fait au détriment du climat mondial et de l'environnement dans les pays pauvres, réalisent actuellement des bénéfices énormes. Ou une «taxe sur les superprofits» sur les bénéfices exceptionnels, par exemple dans l'industrie pharmaceutique, le secteur financier ou le négoce des matières premières. Cette «taxe sur les bénéfices exceptionnels» s'appliquerait aux entreprises dont les bénéfices ont fortement augmenté, non pas grâce à des idées innovantes, des décisions d'investissement judicieuses ou une activité commerciale prévoyante, mais par exemple dans le contexte du coronavirus ou de la guerre en Ukraine. D'autres pays ont déjà introduit de telles taxes sur les bénéfices. 

L'étude mentionne également un impôt fédéral sur les successions: selon le World Inequality Lab, les Suisses les plus riches font partie des plus gros pollueurs d'Europe. Le pourcent le plus riche des Suisses est responsable chaque année du rejet dans l'atmosphère de 195 tonnes de CO2 en moyenne. C'est plus que ce que 20 Suissesses et Suisses à faible revenu causent chaque année. Alors que les classes moyennes et inférieures émettent aujourd'hui moins de CO2 que par le passé, les émissions des 20% les plus aisés en Suisse augmentent depuis 1990. Les émissions des 5% les plus riches ont explosé depuis 1990. Dans cette optique, un impôt sur les grandes fortunes et les héritages ne semble que logique et juste (du point de vue du principe du pollueur-payeur). 

En outre, selon le rapport, la Suisse devrait introduire de nouvelles taxes sur le transport aérien et maritime en collaboration avec l'OCDE/G20. Enfin, elle pourrait récupérer de manière ciblée l’argent des potentats bloqué pour l’utiliser dans le financement climatique. Toutefois, cet argent ne devrait pas être imputé au financement climatique international de la Suisse, car il appartient au pays dans lequel il a été «collecté» illégalement et où il serait utilisé à l'avenir pour des mesures climatiques. Il ne fait aucun doute que la Suisse continue d'accumuler beaucoup d’argent des potentats

Place maintenant à la mise en œuvre 

En réalité, le Conseil fédéral devrait agir depuis longtemps et proposer de nouvelles options de financement. Un coup d'œil sur le programme de législature 2023-2027 montre toutefois que cela ne semble pas être le cas. Il est donc d'autant plus important qu'une initiative parlementaire ait été déposée lors de la session d'hiver fin 2023, visant à créer une base juridique pour le futur financement climatique en dehors de la coopération internationale. Les discussions devraient être entamées rapidement et se dérouler avec célérité. 

La Suisse est fortement touchée par le changement climatique. Elle se réchauffe deux fois plus que la moyenne mondiale. Avec des effets visibles et perceptibles dès aujourd'hui: champs desséchés et vignes endommagées par la grêle, dégel du permafrost, chutes de pierres et éboulements, asphalte qui se déchire et rails déformés. Si la Suisse n'est pas prête à cofinancer la transformation dans les pays pauvres de manière appropriée et par de nouveaux canaux, comme le prévoient «Paris» et l'objectif plus élevé de Bakou, cela ne sera pas seulement mauvais pour la protection du climat et la lutte contre la pauvreté à l'échelle mondiale, mais aussi pour toutes celles et ceux qui, ici, doivent faire face toujours plus à des dommages liés au climat et à des problèmes de santé en rapport avec le réchauffement. 

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